jeudi 23 avril 2009

Pour en finir avec l'estime de soi

Les magazines de psychologie et de nombreux ouvrages de développement personnels nous promettent que le bonheur est au bout de l'estime de soi...
Or la recherche est bien moins affirmative.
Baumeister et collègues. (2003) dans une étude qui a fait date concluent : Nous n’avons pas trouvé d’indications que renforcer l’estime de soi (par intervention thérapeutique ou en milieu scolaire) soit bénéfique. Nos résultats ne plaident pas en faveur de la promotion et de l’extension de l’estime de soi dans l’espoir que cela pourrait améliorer les résultats scolaires. Au regard de l’hétérogénéité des hauts degrés de estime de soi, complimenter sans mesure pourrait tout aussi bien promouvoir le narcissisme et ses conséquences indésirables.
Ce ne sont pas seulement les comportements prosociaux, mais aussi les comportements antisociaux qui sont plus probables chez les enfants ayant une haute estime de soi. (Salmivalli et al. 1999).
Dans un nouvel ouvrage, The Narcissism Epidemic (l'épidemie du narcissisme), Jean Twenge et W. Keith Campbell soulignent que le résultat d'avoir tout fait pour augmenter l'estime de soi de nos enfants est la création d'une génération de personnalités gonflées d'un sens disproportionné de leur valeur personnelle (la définition clinique du narcissime) mais sans véritable résilience ni capacité à réparer les choses et les relations.
Faisant le point sur les recherches actuelles, ils soulignent que l'entrainement des habiletés sociales est bien plus payant et efficace que l'inflation du sens de soi - et promeut un bonheur plus durable.
L'antidote à la bulle spéculative de l'estime de soi? Twenge recommande l'humilité, une évaluation de soi plus juste, la pleine conscience et faire passer les autres avant soi. Dans une interview à Newsweek elle déclare : De telles valeurs pourront sembler ringardes, peut-être même défaitistes pour ceux d'entre nous qui pensent qu'ils sont spéciaux, mais faite moi confiance : plus on pratique, plus cela devient facile.
Quant à Baumeister et collègues (2003), ils concluent : Nous recommandons plutôt d’utiliser les compliments visant à renforcer l’estime de soi comme des récompenses des comportements socialement désirables et les efforts personnels. A noter: cette équipe de recherche a mis l'essentiel de ses résultats en ligne. Pour une traduction de l'abstract d'une de leurs études les plus marquantes, visitez le site afforthecc.
Benjamin Schoendorff (image Rémi Schoendorff)

mercredi 22 avril 2009

La permission d'être humain

Dans Happier, Tal Ben-Shahar, qui fut chargé de cours de psychologie positive à l'Université d'Harvard, souligne qu’il n’y a que deux types de personnes qui n’ont pas d’émotions négatives : les psychopathes et les morts.
‘C’est donc plutôt un bon signe de faire l’expérience de telles émotions’
.
Devenir 'plus heureux' (ce que Happier veut dire) passe aussi par l'acceptation de la souffrance.
Ben Shahar nous invite à ‘nous donner la permission d’être humain’.
Accepter la souffrance ne signifie nullement se résigner et, se basant sur de nombreuses études, Ben-Shahar expose le B A BA de l'hygiène de vie : l'exercice physique régulier - ne pas en faire c'est comme prendre un 'pro-dépressant' - et la méditation de la pleine conscience - ne pas en faire quelques minutes par jour, c'est comme ne pas se laver les dents.
Benjamin Schoendorff
(image Rémi Schoendorff)

mardi 21 avril 2009

Hémianopsie

Il y a une semaine, lundi de Pâques,à 22:10, je suis passé à vélo devant l'appartement de mes parents. J'ai tourné la tête à droite pour voir s'il y avait de la lumière à leurs fenêtres quand j'ai soudain remarqué que je n'arrivais à voir que l'extrême gauche de leur fenêtre gauche. Ils ont trois fenêtres donnant sur la place. J'ai continué à rouler quelques mètres. Mais, arrivé devant le panneau publicitaire suivant, je n'arrivais pas à en lire un seul mot - pas même une lettre! Et les voitures arrivant en face avaient toutes le phare droit déféctueux!
Mon esprit s'est tout de suite connecté à mes cours de neuropsychologie (l'étude du fonctionnement cérébral au moyen des déficits dûs à diverses lésions) et j'ai pensé à un Accident Vasculaire Cérébral (AVC). Ce que je vivais s'appelle hémianopsie latérale homonyme, c'est à dire une perte de la vision dans le champ visuel droit. Je pouvais observer cette perte aussi bien avec l'oeil droit qu'avec l'oeil gauche. J'ai alors pensé à une attaque cérébrale du lobe occipital gauche, la partie arrière de notre cerveau qui est impliquée dans le traitement visuel. Le lobe gauche gérant le champ visuel droit, le lobe droit le gauche.
J'ai commencé à avoir terriblement peur. J'ai fait demi-tour et suis allé chez mes parents demander de l'aide. Je n'arrivais pas à voir les boutons de leur digicode. Une de leur voisine est entrée dans l'allée et je ne pouvais pas distinguer son visage, mis à part ses cheveux, sur la gauche.
Avec mes parents, dont je n'arrivais pas à voir les yeux, nous avons appellé des amis neurologues et neuropsychologues. Parents et amis se sont efforcés de me rassurer sur le mode : ça n'est rien, tu es juste un peu surmené, c'est normal.
Je savais parfaitement que ça n'était pas normal et leurs paroles n'avaient pour seul effet que de m'effrayer plus encore. Qu'allais-je devenir? Comment vivre sans pouvoir lire et comment pratiquer mon beau métier de thérapeute sans pouvoir croiser le regard de mes clients, ce qui est pour moi si important?
Je ne pouvais pas même distinguer la première lettre d'aucun mot, seulement son tiers gauche - tout le reste était dans le flou total. L'angoisse me saisit.
Au bout de 45 minutes, ma vision s'est graduellement rétablie vers la droite. Puis ma chère maman a prononcé la seule parole de la soirée qui m'ait vraiment rassuré. Elle a tout simplement dit que même aveugle je pourrais faire mon métier. C'est vrai, ai-je pensé, il me suffira d'écouter avec encore plus d'attention. D'abord accepter, ensuite avancer.
Je rentrais me coucher et le lendemain matin avait recouvré l'essentiel de ma vision.
Cet AVC, comme un passage dans l'aimant de l'IRM l'a montré, était dû à une petite ischémie cérébrale (réduction du flot sanguin) dont les causes restent encore obscures. Les sequelles cérébrales en sont infimes, mais quand même visibles sur les images. Un tout petit 'pête au casque' arrière gauche.
J'ai pensé à Jill Bolte Taylor, une neuroscientifique américaine qui en 1996 a souffert d'une hémoragie cérébrale autrement plus grave. Cet accident lui a permis d'observer, de l'intérieur, l'expérience de vivre ce qu'elle étudiait théoriquement - les lésions cérébrales.
Texte et image Benjamin Schoendorff

jeudi 16 avril 2009

La relation thérapeutique, notre instrument le plus précieux

La relation thérapeutique est essentielle à l'amélioration en psychothérapie.
Elle est si importante que certains analystes, comme Lester Luborsky, considèrent que la technique particulière utilisée n'a pas d'impact spécifique, mais que ce sont les facteurs dit non-spécifiques qui sont responsable de l'essentiel de l'amélioration (la variance dans notre jargon).
C'est le verdict du Dodo. Dans Alice au Pays des Merveilles à l'issue d'une course, le Dodo avait déclaré: 'Au moins tout le monde a gagné et tout le monde doit recevoir un prix!'
Au premier rang des facteurs non-spécifiques, la relation thérapeutique.
Les chercheurs en efficacité clinique de la division 12 de l'American Psychological Association considèrent cependant que le 'verdict du dodo' est trop hâtif.
Chambless (2002) démontre que loin des méta-analyses surgénéralisantes, il y a bien d'importantes différences d'efficacité pour un grand nombre d'indications entre méthodes, le plus souvent en faveur des thérapies comportementales et cognitives (TCC). John Hunsley (2002) fait la même analyse.
Je ne pense pas que le verdict du Dodo soit juste. C'est anecdotique mais il suffit d'interroger nos patients pour savoir que certaines méthodes interminables ne marchent pas.
Cependant, la relation thérapeutique demeure un élément central et indépassable de la thérapie, là dessus Freud avait vu juste en 1912.
Je trouve fascinantes les recherches qui montrent que les thérapeutes TCC ne se concentrent que rarement sur la relation thérapeutique et que pourtant, l'efficacité des consultations est la plus haute quand les 'maitres thérapeutes' se concentrent sur la relation thérapeutique (Goldfried, Raue, Castangay 1998).
Cela ouvre la perspective de TCCs encore plus efficaces qui prendraient pleinement appui sur le pouvoir de levier central d'une relation thérapeutique intense, authentique et profonde.
Ou, en d'autres termes, avancer pour rendre spécifiques les facteurs non-spécifiques.
Et c'est en mesurant ces choses que l'on construira les échelles qui nous permettront d'avancer.
Benjamin Schoendorff (image Rémi Schoendorff)

mercredi 15 avril 2009

De qui parler - et à qui?

J'ai commencé ce blog pour parler à mes amis thérapeutes.
Mes clients le découvrent aussi et certains le lisent avec assiduité.
En fait on ne peut s'adresser aux thérapeutes sans s'adresser aux clients - aux miens et aux leurs.
Dans le modèle de thérapie d'Acceptation et d'Engagement, nous cultivons l'égalité profonde avec nos clients.
Je me demande pourtant si je dois parler d'eux et d'elles, partager ici au quotidien ce que m'inspirent leurs souffrances, leur courage souvent, leur confiance toujours.
J'hésite et je me demande si, même en prenant soin de faire en sorte qu'ils et elles ne puissent être identifiés que par eux-mêmes, je ne trahirais pas la qualité unique de notre relation.
Pas facile et, de fait, je ne l'ai fait jusqu'ici qu'une seule fois - en rendant mon client totalement méconnaissable.
A ce propos, l'écrivain-thérapeute existentialiste américain Irvin Yalom ecrit dans The Gift of Therapy - an Open Letter to a New Generation of Therapists and Their Patients - (Le Cadeau de la Thérapie - une Lettre Ouverte à une Nouvelle Génération de Thérapeutes et leurs Patients):
Depuis l'instant où j'ai écrit sur des histoires de patients dans un livre (Le Bourreau de l'Amour) il y a de nombreuses années, je me suis imaginé que les nouveaux patients qui me consulteraient pourraient s'inquiéter que j'écrive sur eux. J'ai donc rassuré mes patients sur la confidentialité, les assurant que je n'ai jamais écrit sur des patients sans auparavabt obtenir la permission ni sans profondément déguiser leur identité. Mais avec le temps j'ai observé que les soucis des patients étaient bien différents - en général ils s'inquiètaient moins qu'on puisse écrire sur eux que du fait qu'ils puissent ne pas être assez interessant pour être séléctionnés.
Traduction Benjamin Schoendorff (image Rémi Schoendorff)

mardi 14 avril 2009

Le sens de la vie

Encore une interview réalisée pour le prochain congrès afforthecc qui entre en résonance avec les thèmes de ce blog. Aujourd'hui mon ami Frédéric Fanget.
Dans ton dernier livre Où vas-tu? tu t’attaques au sens de la vie…

Pour ne rien te cacher, Benjamin, je n’ai pas osé si facilement m’attaquer à ce thème. Effectivement, j’ai eu une période de doute, considérant qu’il était extrêmement présomptueux de ma place de clinicien de terrain d’aborder un thème aussi lourd. Nous avions l’habitude de le voir traiter par des philosophes ou des théologiens (Dalaï Lama, Sœur Emmanuelle ou Luc Ferry par exemple). Au nom de quoi finalement, un psychiatre pouvait-il se prononcer sur ce thème? Puis je suis tombé sur les travaux de Victor Frankl, ce psychiatre autrichien qui a fondé la logohérapie ou thérapie par le sens de la vie. Ses travaux m’ont complètement revigoré et donné en quelque sorte l’autorisation que des psy poursuivent cette réflexion. Mais lorsque dans ta question, tu emploies l’expression m’attaquer au sens de la vie ; c’est vraiment un terme qui correspond bien car ce ne fut pas si simple. J’ai décidé d’oser le faire en me disant qu’après tout, je devais être capable de faire ce que je demande à mes patients d’effectuer.
Comme souvent dans tes ouvrages, la place de la relation à l’autre est centrale.

La question du sens de la vie, était souvent posée à soi-même. Pourquoi sommes-nous là ? Où allons-nous ? Pourquoi vivons-nous ? Nous sortons de plusieurs décennies d’une psychologie du moi assez autocentrée, comme si nous étions des êtres isolés. Ceci a été renforcé à mon sens, par certaines écoles de psychothérapie qui propose un travail autocentré et volontairement en dehors de la vie quotidienne. Si nous sommes comme je l’indique dans mon livre, l’acteur de notre propre biographie et si nous avons les cartes en main, il me semble toutefois qu’une vie déconnecté des autres, de la notion d’altérité va très vite s’avérer vide de sens. Je me suis toujours intéressé aux thérapies relationnelles, avec l’affirmation de soi en particulier considérant que la nourriture relationnelle est essentielle à notre équilibre personnel.
Tu développes des idées sur les valeurs assez proches de celles de l’ACT...
J’ai découvert l’ACT lorsque j’étais en train de terminer mon livre. Je me suis effectivement rendu compte que j’étais très proche de l’ACT sur la question des valeurs et que j’avais probablement commencé à faire de l’ACT sans le savoir. Mais comme il est toujours mieux de savoir ce que l’on fait, j’ai donc suivi les séminaires de Philippe Vuille, et de Kelly Wilson à l’Afforthecc l’an dernier, qui bien sûr, m’ont confirmé ma proximité avec l’ACT. Toutefois, mon livre n’est pas le livre d’une tendance. J’essaie d’apporter des outils très simples, issus de ma pratique qui couvrent un peu tous les domaines des TCC, qu’il s’agisse de l’approche de Beck, de l’approche de Young, mais aussi du mindfulness et de l’ACT. La question du sens de vie, à mon avis, n’appartient à aucune école
Propos receuillis par Benjamin Schoendorff (image Rémi Schoendorff)

vendredi 10 avril 2009

Entendre ce que les patients ne disent pas

Même quand je les encourage, beaucoup de mes clients ont du mal à exprimer ce qui n'a pas fonctionné ou ne leur a pas parlé dans ce que nous avons fait.
Le savoir me permettrait pourtant de mieux adapter ce que je dis et fait à ce qui marche pour eux.

Une large partie de mon travail de thérapeute est de créer suffisamment d'espace pour qu'ils soient à l'aise pour exprimer leur malaise et difficultés.
On sait que la qualité de la relation thérapeutique est le meilleur prédicteur d'amélioration (40% contre 30% pour le type d'approche).
Une étude de Barret-Lennard indique cependant que ce qui fait la différence c'est l'estimation que fait le client de la qualité de cette relation.
Là encore How to fail as a therapist, 50 ways to lose or damage your patients - Comment échouer en thérapie, 50 manières de perdre vos patients ou de leur faire du mal de Bernard Schwartz et John Flowers a des choses à nous dire.
(Ce petit ouvrage est une mine d'or pour les thérapeutes de toutes les orientations théoriques. Si un éditeur lit ce blog, une traduction serait un beau cadeau à faire à toutes les personnes en demande d'aide et d'écoute.)
Erreur N°24 Comment ruiner la relation Thérapeute-client - ignorer le feedback verbal et non-vebral du client.
Garder à l'esprit les indicateurs 'd'alliance' subtils:
  1. Le client engage-t-il moins de contact oculaire que précédemment?
  2. Le client partage-t-il moins d'information personnelle et parle-t-il plus de choses tangentielles?
  3. Les salutations en début et fin de consultation sont-elles moins cordiales qu'avant?
Ces signes que soulignet Schwartz et Flowers sont évidemment des indicateurs importants, plus important encore est la capacité à accueillir les critiques et être disposé à adapter sa pratique et son discours au service de ce qui marche pour le client.
En d'autres termes, être présent, accepter et avancer en direction de ce qui est important sont trois clés essentielles pour augmenter son efficacité de thérapeute.

Cela nous ramène aux trois fondements de la Thérapie d'Acceptation et d'Engagement - ACT.
Benjamin Schoendorff (image Rémi Schoendorff)

jeudi 9 avril 2009

Etats d'âme et souffrance

Dans la perspective de la préparation du XIVéme congrès de l'Afforthecc, j'ai réalisé une série d'interviews des intervenants. L'échange qui suit avec Christophe André entre en résonnance particulière avec ce blog.

Dans votre dernier livre, Les Etats d’Ame, vous adoptez un ton très personnel et touchant et prônez l’introspection de nos états d’âme subtils. Qu’est-ce qui, personnellement, vous a amené à vous intéresser aux états d’âmes?
Cette idée d’aborder notre vie intérieure par le biais des états d'âme me trottait dans la tête depuis un moment. Nos contenus mentaux sont le plus souvent un mélange de pensées vagabondes et d’états émotionnels discrets, indissociables l’un de l’autre. Il me manquait un mot pour en parler avec mes patients, et un concept pour les concevoir comme un tout homogène, et non une simple addition pensée + émotion.
Les états d'âme sont d’ailleurs souvent complexes et subtils. Dans la nostalgie, par exemple, il y a une tonalité agréable (le souvenir de moments heureux) et une autre plus douloureuse (la conscience que ces bonheurs appartiennent au passé).
Autres exemples d’états d'âme : le spleen, l’agacement, la rancune, l’intranquillité… Mais aussi : la bonne humeur, la confiance, la sérénité, la satisfaction, le soulagement…
Leur rémanence (persistance d’un phénomène après la disparition de ce qui l’a causé), leur rôle dans les phénomènes de rumination, tout cela me semblait rendre utile leur usage dans les discussions avec mes patients, comme porte d’entrée vers le travail sur les cognitions ou les émotions. Quant au ton personnel, il correspond à deux constatations : d’abord, le fait qu’en devenant un 'vieil auteur' j’arrive à de plus en plus à écrire comme je pense et comme je parle à mes patients, je 'filtre' moins. Ensuite, grâce aux discussions avec mes lecteurs, j’ai compris que ceux-ci sont aidés par tout ce qui est clinique, intime, humain, venant de récits de patients ou d’états d'âme du thérapeute. Je tenais également dans ce livre à ne pas apparaître comme 'celui qui sait et qui va vous expliquer comment aller bien', mais comme une personne elle-même imparfaite et intranquille, qui utilise elle aussi ces outils, qui fait elle aussi ces efforts pour aller mieux. Pas un maître, surtout pas, mais quelqu’un qui a – parfois – quelques pas d’avance sur le lecteur, parce qu’il pratique ces efforts depuis quelque temps…
Je suis particulièrement sensible au fait que vous fassiez une telle place – toute la deuxième partie de votre livre – à la reconnaissance de la souffrance - différente de la douleur.

Oui, ce livre, comme toujours quand j’écris, a été pour moi l’occasion de mettre à plat des intuitions que j’avais, comme tout thérapeute : la douleur est le phénomène physiologique, et la souffrance son écho subjectif. Notre principale marge de manœuvre se situe autour de la souffrance : comment limiter, diminuer, ce que j’appelle la 'part évitable de la souffrance' ? Car la souffrance devient souvent, peu à peu, une rumination de la douleur, un inlassable retour vers elle. Ainsi, la deuxième partie du livre (qui en compte quatre) est entièrement consacrée à ce travail sur les souffrances psychologiques (inquiétudes, tristesses, ressentiments, et désespoirs).
Propos receuillis par Benjamin Schoendorff (image Rémi Schoendorff)

lundi 6 avril 2009

En dire trop ou pas assez?

Je suis un traitement médicamenteux assez lourd et qui m'épuise.
J'ai une expérience directe et personnelle de la souffrance qui, à l'écoute de mes clients, parfois me revient à l'esprit.
Ces choses affectent la façon dont je reçois ce que mes clients partagent avec moi.
Dois-je partager mon expérience passée et ma faiblesse présente ou les garder pour moi?
Puis-je aider mes clients ou au contraire gêner leurs progrès en leur parlant de moi?
La question n'est pas simple.
Dans How to fail as a therapist, 50 ways to lose or damage your patients - Comment échouer en thérapie, 50 manières de perdre vos patients ou de leur faire du mal - Bernard Schwartz et John Flowers l'abordent directement.
Erreur N°29 Comment poser des limites thérapeute-client inappropriées.
La psychanalyse rejette toute révélation sur soi de la part du thérapeute qui doit rester un écran blanc pour les projections du client. D'autres craignent que la révélation de leurs faiblesses et vulnérabilités n'affectent négativement la confiance du client : 'Si même le psy a du mal avec ça...'
En 2001 Barret et Berman ont publié une étude qui a fait date. Ils ont entrainé deux groupes de thérapeutes - un à faire des révélations personnelles congruentes avec ce que révélaient les clients, l'autre à ne rien révéler de personnel. Résultat : les clients avec qui les thérapeutes avaient partagé leurs expériences
propres souffraient moins de leur symptômes et appréciaient plus leurs thérapeutes.
Quand les thérapeutes font des révélations sur eux-mêmes, ils sont perçus comme étant plus amicaux, ouvert, chaleureux et aidant.
Mais attention! Cela n'est vrai que quand ses révélations sont limitées en nombre - et en longueur. Au cours de chaque consulation, les client faisaient envrion 60 révélations personnelles contre un peu plus de 6 pour les thérapeutes. Ces révélations étaient judicieusement choisies et significativement plus courtes que celles des clients.
Pour éviter l'erreur Schwartz et Flowers conseillent de:
  1. Garder les révélations du thérapeute brêves et en rapport avec ce que dit le client
  2. Faire des révélations dont l'intensité et le niveau d'intimité corresponde avec l'intensité et le niveau d'intimité exprimée par le client.
Je n'hésite donc pas à révéler ma faiblesse du moment, si je sens qu'elle impacte sur le travail en cours - par exemple ma capacité d'écoute - ou si elle peut faire voir à mon client que j'ai une expérience personnelle de ce qu'ils vivent. Benjamin Schoendorff (image Rémi Schoendorff)

samedi 4 avril 2009

Pour la science

How to fail as a therapist, 50 ways to lose or damage your patients, - Comment échouer en thérapie, 50 manières de perdre vos patients ou de leur faire du mal,
Un indispensable de Bernard Schwartz et John Flowers
Petit livre, basé sur 40 ans de recherches,
Il recense les 50 erreurs les plus courantes des thérapeutes,
Et comment y remédier.
Erreur N°14: Comment ignorer la science.
Le manque d'intérêt ou la méfiance à l'encontre des résultats de la recherche sont courants chez les cliniciens,
Y compris ceux formés aux approches basées sur la recherche validée.
Donc aussi les cliniciens en thérapies comportementales et cognitives...
  • L'idée tenace - et séduisante - que chaque être humain est si spécial qu'il ou elle ne peut être évalué(e).
  • L'idée que la recherche universitaire ne s'applique pas aux réalités de la clinique 'réelle'.
  • L'attachement à une approche théorique peut nous rendre imperméable à tout progrès et nous empêcher de tenir compte des données qui contredisent nos convictions.
Le résultat - selon Schwartz et Flowers - est que la psychothérapie est sujette aux effets de mode,
Autant que les régimes amincissants:
'Cri primal', psychogénéalogie, rebirthing, recherche de souvenirs de trauma occultés
, double-contrainte,
Foisonnent les interventions et théories que ne soutiennent aucune recherche sérieuse,
Au détriment d'aider nos clients à efficacement faire face à la souffrance.
Le site de l'Afforthecc traduit régulièrement les principaux résumés des recherches cliniques
Clinciens et public peuvent rester informé des progrès de notre science.
Pour avancer en direction d'une prise en charge de la souffrance humaine,
Plus efficace - qui marche mieux,
Et plus efficiente - qui marche à moindre coût: humain, matériel et financier.
Benjamin Schoendorff (image Rémi Schoendorff)

vendredi 3 avril 2009

Choisir dans les difficultés interpersonnelles

John Gottman est un expert en relations humaines.
Depuis près de 30 ans il étudie nos interactions de couple.
Dans son laboratoire de l'université du Washington,
Il enregistre quelques minutes de discussion ordinaire,
Et peut prédire avec une fiabilité de 94% si le couple restera ensemble.
Simplement en observant leur comportement de discussion.
Il en a tiré sept principes pour qu'une relation intime fonctionne bien qui sont exposés dans son célèbre ouvrage Les couples heureux ont leur secrets.
Dans The relationship cure (Soigner ses relations, 2001, p.83) il expose les trois choix auxquels nous confrontent les situations de conflit interpersonnel:
_______
"Attaquer et défendre
. Ce qui arrive quand vous décidez de faire porter la responsabilité des difficultés aux défauts ou insuffisances de l'autre. Vous vous en prenez alors à l'autre personne, ce qui a pour résultat de la faire s'éloigner de vous. Et quand c'est vous qui êtes attaqué, vous devenez défensif - ce qui vous éloigne tout autant de l'autre.
Eviter ou nier. Cela arrive quand vous essayez de minimiser ou d'ignorer vos émotions négatives à propos du problème. Vous vous dites alors C'est idiot de ressentir ça ou encore Il suffit que je n'y pense pas et ça passera. Les problèmes demeurent cependant et il devient de plus en plus difficile de vous en tenir à cette position.
Vous révéler et connecter. Vous pouvez parler de ce que vous ressentez du fait du problème et travailler en direction d'une bonne compréhension mutuelle. Ainsi, même si vous ne trouvez pas le compromis ou la solution parfaits, vous avez au moins établi une connection émotionnelle.
Quand vous serez fatigués d'attaquer et défendre et aurez vu qu'éviter ou nier ne marche pas, il ne vous reste qu'une option viable : vous révéler et connecter. Facile à dire mais souvent difficile à faire. Mes recherches et mon expérience me disent qu'il y a un bon endroit où commencer: vous concentrer sur votre ressenti de l'instant. Et gardez à l'esprit que vous pouvez parler de ce que vous ressentez sans agir sous l'impulsion de vos émotions."
_______
Dans nos relations avec les autres comme dans nos relations avec la souffrance,
L'instant présent,
L'acceptation
L'action engagée.
Traduction et adaptation Benjamin Schoendorff (image Rémi Schoendorff)

mercredi 1 avril 2009

Le Phare dans la Tempête

Une patiente en très grande souffrance m'a dit aujourd'hui :
'Je me suis reconnue dans l'image du phare.
J'y ai repensé et j'ai vu que mes valeurs sont mon phare.
Il me guide.
Il m'a déjà guidé à d'autres moments difficiles de ma vie.'

Nos valeurs comme un phare,
Le phare - toujours là.
Si nous n'acceptons de rester présent dans la tempête de nos pensées, émotions et souffrances,
Que parce qu'il faut le faire,
Regardons-nous en direction de notre phare?
Et accepter de rester présent au coeur de la tempête,
Le regard tourné vers le phare,
Ça ferait quoi ?
Pour ma cliente, aujourd'hui, ça a fait une différence,
Une différence importante.
Le phare nous guide dans les tempêtes et à travers la nuit.
Benjamin Schoendorff