vendredi 11 novembre 2011

Faire face à la Souffrance en version numérque

Mon livre Faire face à la Souffrance, choisir la vie plutôt que la lutte avec la Thérapie d'Acceptation et d'Engagement est présent disponible en version numérique. Pour le commander, cliquez ici.

Benjamin Schoendorff

lundi 31 octobre 2011

Cesser la lutte avec son corps

Je reprends ce blog avec une interview de mon ami Jean-Chrisophe Seznec qui publie aux éditions PUF le psychoguide 'J'arrête de lutter avec mon corps'.

Bonjour Jean-Christophe, peux-tu nous parler des différentes formes que prennent la lutte avec son corps?

Beaucoup de personnes luttent contre elles-mêmes en prenant le corps pour l'instrument et le terrain de cette lutte. Comme cette bataille contre soi est impossible à gagner, il ne reste que de la souffrance.
Cette lutte prend différentes formes : Tout d'abord, nous pouvons le maltraiter à travers des comportements réactionnels dont le but est souvent de faire baisser le niveau de tension intérieure à travers notre comportement alimentaire (restriction, compulsion, régime, grignotage, etc.), la trichotillomanie, l'alcool, la cigarette ou toute autre forme d'addiction mais aussi par des comportements plus quotidiens comme se ronger les ongles ou secouer la jambe. Nous pouvons aussi tenter de le transformer par la chirurgie esthétique, les tatouages ou les piercing. Enfin, nous pouvons en jouer avec parfois le risque de jouer à des jeux dangereux à travers le sport, la sexualité, le travail, etc.

Que retrouve-t-on derrière cette lutte?

Derrière cette lutte, il y a la difficulté à accepter notre humanité. En effet, être un Être humain c'est être un Être émotionnel. Cet Être émotionnel s'éveille particulièrement à l'adolescence où nous sommes confrontés à un flux énergétique (émotionnel) qui habite notre corps et qui peut nous paraitre insupportable. Ne sachant pas quoi faire de cette nouvelle expérience et sans apprentissage de la gestion émotionnelle, nous pouvons être tenter de trouver des fausses bonnes solutions pour "purger" ce flux émotionnel à travers l'alimentation, la cigarette, etc.
Nous sommes, dans notre société, extrêmement libres mais extrêmement seuls. Nous sommes de plus en plus seul à apprendre à jouer de ce corps émotionnel à l'adolescence. Aussi, j'ai voulu que ce livre soit un psychoguide à l'intention des personnes qui souffrent mais aussi un guide pour tout adolescent ou jeune adulte qui souhaiterait apprendre à vivre en pouvant mieux observer et comprendre ce qui se passe en lui.
Tout récemment, lors d'un congrès de gynécologie, je disais au public que nous pourrions presque prescrire, en prévention, ce livre à toute jeune femme confrontée à ce flux émotionnel avant que la lutte ne se cristallise autour d'un symptôme et dans une spirale de consommation de soin.

Tu présentes trois grilles théoriques pour comprendre cette lutte avec son corps, quelles sont-elles?

A travers mon livre, je propose d'observer cette lutte à travers trois modèles psychothérapeutiques. Même si ma culture, ma formation et ma sensibilité est plutôt proche des thérapies comportementales et cognitives (et donc de l'ACT), j'ai souhaité m'enrichir dans ce livre d'autres regards. Tout d'abord, le modèle psychanalytique peut nous aider à comprendre le "Pourquoi" de cette lutte en revisitant notre construction de nous au cours des différentes étapes de la maturation du ventre de notre mère à maintenant. Or la première étape qui nous a permis d'apaiser les émotions générées par notre naissance est le stade oral. Or beaucoup de comportements de lutte passent par la bouche. Le modèle des thérapies comportementales permet de construire une résolution de problème dans l'ici et le maintenant. Cette grille répond à la question du "comment" en ce centrant sur les liens entre notre machine à penser, notre corps et nos émotions afin d'en fluidifier le dialogue. Enfin le modèle bouddhiste avec sa version laïque, la mindfulness, nous permet de développer notre observation de ce qui nous entoure et de ce qui est en nous afin de développer notre acceptation de ce statut d'humain.

Tu parles de thérapie par l'Action, quel est le lien avec l'ACT?

La thérapie par l'action est en lien direct avec l'ACT. En effet, au cours des formations que j'ai suivi sur l'ACT, je me suis rendu compte que, comme M. Jourdain, je faisais de l'ACT sans le savoir ! Mais ne voulant être ni dogmatique et ni me positionner en "spécialiste" de l'ACT , je préfère parler pour l'instant de thérapie par l'action car cela représente, par ce terme, ma façon de m'approprier l'ACT. De plus, en mettant en avant le terme "action", c'est une façon de le discriminer de nos comportements de réaction.
Il s'agit d'une attitude d'engagement de soi afin de se rapprocher de ce qui est important pour nous en acceptant ce statut d'être émotionnel afin d'apprendre à surfer sur les vagues de nos pensées et de nos émotions. Il s'agit d'une approche humble et pragmatique de ce que nous sommes. En effet, si nous gardons cette image que notre intériorité est constituée de vagues de pensées et d'émotions, nous avons toujours le choix entre passer du temps à tenter d'expliquer le pourquoi des vagues, mais au risque d'oublier de vivre, rester sur la plage et de passer à coté de la vie ou, en apprenant à surfer sur celles-ci en étant suffisamment curieux afin d'expérimenter ce fameux terrain de jeu qu'est ce corps émotionnel.

Tu proposes un modèle thérapeutique intégratif original, comment vois-tu les thérapies évoluer à l'avenir?

Il est de moins en moins facile d'utiliser qu'un seul modèle thérapeutique au risque d'être dogmatique et de proposer une relation trop contraignante au client.
En effet, je pense que ce n'est pas au client de s'adapter à la psychothérapie mais à la psychothérapie de s'adapter au client. Au fond tous les modèles psychothérapiques proposent une facette du même problème.
Il est nécessaire de ne pas rester emprisonné dans la catégorisation sémantique ou observationnelle que nous propose chaque modèle thérapeutique au risque de devenir borgne et perdre du relief. C'est un peu comme lorsque je regarde mon stylo, je peux dire qu'il rentre dans la catégorie bleu selon un modèle qui catégorise les couleurs, que c'est un objet de bureautique selon mon modèle utilitaire, que c'est le résultat du labeur de nombreux ouvriers ou de dire que c'est le fruit de l'évolution des techniques selon mon modèle historique. Tout cela est vrai, apprenons à surfer d'une perspective à l'autre comme nous apprenons à nos clients à surfer d'une vague à l'autre.
Je pense qu'il est intéressant de multiplier nos regards afin d'enrichir notre boite à outil afin d'accompagner nos clients vers ce qui est important pour lui. Le tout est de ne pas s'y perdre et de rester professionnel en évaluant régulièrement ses pratiques. En outre, je pense qu'un modèle thérapeutique n'est pas une vérité mais à de sens que si il facilite une démarche.
Benjamin Schoendorff

dimanche 9 janvier 2011

Secrets de Psys

Je reprends un billet du blog de Christophe André pour vous signaler la sortie de Secrets de Psys, livre collectif dans lequel des thérapeutes partagent leur expérience personnelle de l'utilisation des méthodes qu’ils proposent à leurs patients.
J'y ai écrit deux chapitres: un partageant mon expérience personnelle de l'addiction, l'autre l'expérience d'un de mes clients souffrant de douleurs chroniques.

Voici quelques extraits de la préface de Christophe André :
Qu’est-ce qui est nécessaire pour être un bon soignant ?
Eh bien, pour être un bon soignant, il y a d’abord ce qui est indispensable : c’est bien sûr que le soignant ait appris à soigner. D’où l’importance des diplômes et des formations : il faut toujours oser demander à son thérapeute quel est son diplôme (psychologue, psychiatre, médecin ou autre), quelles sont les méthodes qu’il propose, et en quoi elles consistent. Un thérapeute digne de ce nom prendra toujours le temps de vous répondre et de vous expliquer sa façon de travailler. La thérapie, ce n’est pas simplement de l’écoute et du bon sens. En tout cas, ce n’est pas que ça. C’est aussi un ensemble de techniques, un savoir-faire, des repères basés sur la recherche scientifique, l’expérience apprise d’autres thérapeutes, etc.
Pour être un bon soignant, il y a ensuite ce qui est préférable : c’est qu’au moment où il soigne, le thérapeute n’aille pas trop mal dans sa tête. Bien sûr, on peut soigner tout en étant stressé, abattu, perturbé. Mais cela ne marchera pas très longtemps. La formule de Nietzsche : « Plus d’un qui ne peut se libérer de ses chaînes a su néanmoins en libérer son ami » ne peut s’appliquer durablement à la psychothérapie. Il est malhonnête et mensonger de prétendre soigner des patients alcooliques si on est soit même dépendant de la boisson. Il est malhonnête et mensonger de prétendre soigner des patients anxieux ou déprimés si on est soit même en pleine dépression ou sujet à des attaques de panique. Je me souviens de cette anecdote d’un psychanalyste de renom venu un jour faire une conférence sur les phobies dans une grande ville loin de chez lui : il était lui-même totalement phobique, et les collègues qui l’avaient invité devaient l’accompagner dans tous ses déplacements pour qu’il ne panique pas ; ces collègues étaient du coup un peu perplexes, face à ce grand écart entre discours et réalités. Bien sûr, il ne s’agit pas d’exiger un certificat de bonne santé mentale de la part des thérapeutes. Mais la moindre des choses, c’est d’attendre d’eux qu’ils aient surmonté leurs fragilités. Ainsi, une des plus grandes spécialistes de la maladie bipolaire (ce qu’on appelait autrefois maladie maniaco-dépressive) souffre elle-même de bipolarité. Elle n’a pas eu honte d’en parler dans un livre très émouvant (Kay Redfield-Jamison : De l'exaltation à la dépression, Confessions d'une psychiatre maniaco-dépressive. Paris, Laffont, 2003.) dans lequel elle raconte comment sa maladie aurait pu la détruire si elle n’avait pas accepté de se soigner, et comment cette fragilité lui a à la fois compliqué la vie, tout en l’enrichissant. La question n’est donc pas celle de la maladie mais de son traitement : à ce titre les professionnels de santé doivent être des modèles non pas tant de bonne santé que de bonne gestion de leur santé.
Pour être un bon soignant, il y a enfin ce qui est intéressant : le fait d’avoir connu des difficultés et d’avoir eu à s’en débarrasser peut être une bonne chose pour les psys. Cela facilite l’empathie : on comprend mieux la souffrance si on a souffert soi-même. Je dis bien facilite, car il y a tout de même d’autres voies pour l’empathie que le chemin de la souffrance personnelle. Mais avoir été souffrant et s’en être sorti, cela aide à la maîtrise d’outils dont on s’est aussi servi pour soi-même. Et cela ramène à notre esprit de soignant l’humilité, et la conscience de la difficulté de ce que l’on demande parfois à nos patients. En plus de leur savoir, les soignants qui sont passés par différentes formes de difficultés disposent alors d’une autre expertise : celle de l’expérience. Ils se trouvent en général un peu en avant sur le chemin : ils se sont appliqués à eux-mêmes les démarches qu’ils proposent à leur patient. Leur légitimité vient aussi de là. Pas d’une supériorité (en termes de personnalité) mais d’une antériorité (en termes de démarche).
Ce livre raconte donc les expériences vécues de nombreux psychothérapeutes face à leurs difficultés personnelles. Certaines de ces difficultés sont assez répandues pour être familières à la plupart d’entre nous, comme le stress, l’anxiété, ou la dépression : d’autres sont plus radicales et déstabilisantes, comme la toxicomanie, ou les maltraitances. Dans cet ouvrage, des psys vous parlent de ces difficultés, et surtout de ce qui les a aidés à s’en sortir. Et à ne pas y retomber : on y aborde aussi ce que les thérapeutes font pour prendre soin d’eux et continuer d’aller bien. Car il faut continuer d’aller bien pour bien soigner : le bien-être du thérapeute est une aide puissante à ses capacités de compassion. Les compétences d’écoute, d’empathie, de soutien se doivent de reposer sur la joie de soigner pour prétendre durer.
Vous retrouverez donc dans ces pages des conseils concrets pas seulement utiles, mais utilisés : c’est-à-dire validés par l’expérience personnelle du thérapeute. Attention : les thérapeutes de ce livre ne se présentent pas comme des modèles à admirer ; plutôt comme des modèles dont s’inspirer : faillibles, fragiles, mais qui ont mis en pratique les efforts qu’ils recommandent. Plus émouvants, donc plus motivants. Des modèles fraternels, en quelque sorte : pas meilleurs au départ que leurs lecteurs, mais plus avancés dans la démarche, et désireux de transmettre un peu de leur expérience.
J’ai été passionné et touché de découvrir chez des collègues, dont certains sont aussi des amis, des difficultés dont nous n’avions jamais parlé. Je pense que vous serez vous aussi passionnés et touchés par ces récits. Les thérapeutes qui se livrent ici font preuve d’honnêteté et de courage. Comme les patients qui viennent nous livrer leurs souffrances, leurs échecs, leurs hontes, leurs peurs. Et nous montrer leurs ressources. Et nous associer à leurs efforts, leurs progrès...

PS :présentation du livre par Sylvain Courage, du Nouvel Observateur, qui lui consacre un dossier spécial cette semaine.

Benjamin Schoendorff
(image Odile Jacob)